Le carême nous sourit

jeudi 24 février 2022

Si la chance nous sourit, c’est qu’une opportunité s’est présentée à nous, inattendue.Le Carême, lui, nous l’attendons, chaque année, avec un enthousiasme, disons modéré. Il est vrai qu’il n’arrive pas précédé d’une bonne réputation. Ne dit-on pas : « faire une mine Carême ? » Le Carême semble devoir être un rabat-joie.
C’est pour lui enlever ce masque de tristesse que nous avons placé ce numéro de Carême sous le signe du sourire.
Oui, le carême nous sourit. Il est bien une opportunité qui se présente à nous, une chance qui nous est offerte, une grâce qui nous est accordé par Dieu.
C’est ainsi qu’il nous faut l’accueillir et donc avec joie puisque ce que Dieu donne est toujours bon pour nous.

Oui, il y a de la joie à entrer en carême !

Les instructions de Jésus, entendues dès le premier jour, le mercredi des Cendres, sont d’ailleurs claires : « Parfume-toi la tête, lave -toi le visage… Pas de mine défaite. »( Mt 6,16. 17) .
La « mine de Carême » au sens de la morosité, n’est pas évangélique.
Le Carême n’est pas fait pour nous défigurer, comme une mauvaise nouvelle, une épreuve, qui nous creuse les joues et nous cerne les yeux, nous fait faire la moue.
Le Carême est fait pour nous transfigurer, car c’est une bonne nouvelle. Pensez donc, Dieu nous invite à revenir vers lui : « Revenez à moi de tout votre cœur » nous dit-il par son prophète Joël ( 2,12) en entrant en Carême.
On lit parfois dans nos journaux de curieux avis mortuaire, qui ont la douleur de nous faire part du retour au Père d’un défunt. C’est paradoxal : si Dieu est vraiment le Père, le Père du fils prodigue, il n’y a pas de douleur mais de la joie à revenir vers lui, qui d’ailleurs accourt à notre retour.
Et bien oui, il y a de la joie à revenir à Dieu, et c’est la joie du Carême, et il faut qu’elle se voit, qu’elle se sente : « Parfume-toi la tête, lave- toi le visage », souris !
Il faut que notre vie sente bon le propre, le neuf, le Ressuscité !
Le sourire est un rayon du radieux matin de Pâques, vers lequel tout le carême tend et nous prépare.

La mort du Christ va nous rendre la Vie.

  • La mort peut rendre la vie : le Carême est bien le temps favorable pour élaguer dans notre vie le bois mort, tout ce qui est inutile, sec et stérile et porter notre attention à tout ce qui bourgeonne : cultiver ce qui est peut-être fragile mais porteur d’avenir.
    Le Carême c’est le temps du choix, pour la vie et donc pour prier Dieu. La mort peut rendre la Vie.

 

  • La faim peut rendre l’appétit. Nous ne savons plus ce que c’est qu’avoir faim, parce que nous sommes rassasiés, voire blasés ou dégoûtés de tout et sans véritable appétit, sans grand désir qui puisse soulever, ressusciter notre vie.
    Le jeune doit nous apprendre à ressentir la fin, que ce soit le jeune d’aliment ou de toute autre chose : la privation doit être assez conséquente pour ressentir le manque.
    Et ressentir le manque, c’est se refaire un appétit, retrouver le goût, le sens, la valeur de ce que nous consommons en surabondance sans même en apprécier la qualité.
    Le jeune est le moyen de contestation d’une société de consommation qui se gave de plaisir mais étouffe le désir. La faim peut rendre l’appétit.

 

  • Prier peut rendre la foi. Nous confondons trop la prière et la parole. La prière est d’abord silence parce qu’elle est d’abord écoute.
    Le Carême nous invite à prier dans le secret, comme Jésus le demande ( Mt 6,6 ). C’est le secret du cœur, de la conscience, c’est intime ou Dieu parle et fait comprendre son appel. Cette chambre intérieure n’est accessible que par la clé du silence.
    Silence ! Dieu parle. Apprenons à méditer plus qu’à débiter. Alors nous connaîtrons Dieu, nous nous familiariserons avec Lui. Nous nous débarrasserons de ces idoles, ces fausses images de Dieu que nous façonnons à notre mesure quand nous négligeons d’écouter Dieu pour n’entendre que ce qui peut satisfaire un besoin religieux purement humain.
    Le Carême peut être ainsi le temps favorable pour vivre enfin la foi comme un abandon confiant de l’enfant à son Père. Prier pour rendre la foi.

 

  • Partager peut rendre la joie. Si le Carême nous invite au partage, il ne faut pas s’y tromper, il ne peut pas s’agir que de menue monnaie. Là encore, l’appel au partage est un moyen de contestation d’un système où le profit passe avant la personne.
    L’exigence de justice court d’un bout à l’autre de la Bible comme un long cri de Dieu en faveur de l’homme et des plus pauvres.
    Le comité catholique contre la Faim et pour le Développement, qui nous sollicite chaque Carême, et le moyen par lequel l’Eglise de France s’engage dans des projets réalistes et suivis jusqu’au bout, qui peuvent paraître insignifiants mais sont pour ceux qui en bénéficient un énorme gain en dignité humaine.

 

Et si Pâques scelle la victoire de la Vie, comment ne pas s’engager en Carême pour la défense et le service de la vie humaine que le Christ a relevée. De sa conception à son déclin, dans le handicap ou le grand âge, sur un lit d’hôpital ou un rafiot de migrants, c’est la même inaliénable dignité de l’homme, image et ressemblance de son Dieu, qui est à servir et à défendre.

Alors que tant de gens et de jeunes peuvent être tristes à s’en suicider parce qu’ils ne trouvent ni goût ni sens à vivre ce que le monde a à leur offrir, donner de soi ou de son bien, partager sa vie, dans le service d’autres humains a commencer par les plus démunis, donne à la vie la joie d’être vécue. Partager pour rendre la joie.

La joie ouvre le cœur. Le sourire ouvre le visage. Pâques ouvrira le tombeau.
Retrouver ou redonner le sourire, n’est-ce pas une des grâces du Carême ?