Il vient, le Roi de Paix !

mardi 22 novembre 2022

 « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés. Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ». (Is 9, 1-5)

 

La prophétie d’Isaïe qui nous sera lue dans la nuit de Noël fait le constat de la douleur du monde, et de la réponse apportée par Celui qui est appelé « Prince de la Paix ». Nous faisons le constat de la nécessité de ce règne de paix en mesurant que la douleur du monde n’est pas limitée à l’Ancien Testament.

La proximité du bruit des armes, les tensions sociales, ou encore les concurrences de personnes bouleversent cette forme de confort cotonneux dans lequel il nous semblait pouvoir vivre sereinement. Nous prenons conscience que la paix n’est pas une simple non-belligérance entre les nations, les personnes, ni ce qui garantit notre tranquillité.

L’inquiétude, le désarroi, le tourment s’emparent aussi de l‘être, de l’âme, quand sont reniés les fondements de la conscience. Au fil des décennies, en effet, d’autres combats, portant atteinte à la vie ont pris de l’importance et diverses capitulations silencieuses ont laissé place au règne d’un relativisme qui conduit à une inversion des valeurs. A ce sujet, le Pape François, dans l’encyclique Fratelli tutti, rappelle que « le relativisme n’est pas une solution. Sous le couvert d’une prétendue tolérance, il finit par permettre que les valeurs morales soient interprétées par les puissants selon les convenances du moment. » (N. 206)

Si nous relisons les dernières décennies, combien de débats successifs ont peu à peu permis au Mal de s’immiscer dans la vie des hommes, jusqu’à parfois être considéré non plus comme tolérable, ni même acceptable, mais comme désirable ! A tel point que des lois sont proposées pour interdire de s’opposer à ce qui est un mal objectif et grave, sous prétexte de laisser en paix ceux qui le commettent ou qui y collaborent…

A tolérer l’intolérable, on a muselé les consciences.

La Paix véritable veut servir chaque personne, afin de lui permettre de vivre harmonieusement selon notre nature humaine. C’est en cela que le Fils de Dieu, qui vient prendre chair de notre chair, apporte la Paix.

Certes, le mystère de l’Incarnation nous rappelle la belle réalité de l’homme placé au cœur de la Création comme image et ressemblance de Dieu ; mais cette image et cette ressemblance ont été souillées et perverties par le péché. C’est pourquoi il a fallu que Dieu vienne lui-même revêtir notre humanité afin de lui rendre sa dignité originelle.

Pourtant, nombreux sont ceux qui viendront en toute bonne conscience s’extasier devant l’Enfant de la Crèche, mais qui ne se soucient pas de l’enfant avorté, parce que celui-là ne compte pas à leurs yeux. Pourtant, ce sont quasiment 225 000 enfants qui ne voient pas le jour en France chaque année ! Nombreux encore sont ceux qui viendront admirer la Sainte Famille de Marie et Joseph, s’étonnant encore de cette force qui leur permet de vivre une si belle union et de se donner totalement à la volonté de Dieu en servant la Vie du divin Fils, mais qui acceptent que la famille, cellule fondamentale de la société, soit malmenée et que le mariage n’en soit plus le socle… Et les questions restent encore nombreuses alors que nous assistons à un débat sur la fin de vie dont les conclusions sont quasiment certaines, avant même qu’il ait commencé, et que la vie de l’homme est mise en péril depuis son début jusqu’à son terme par des décisions et des lois qui visent plus à servir une recherche économique ou égoïste que le Bien et la Vie.

La conscience profonde de l’homme ne peut pas être totalement rendue silencieuse, parce que le mal présent empêchera toujours l’âme d’être en paix. Il y a là une question de Justice et de Paix qui nous rappelle ce que Jésus nous dit : « Ce que vous faites aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

Le Roi de la Paix vient précisément pour cela : Il se fait petit, vulnérable et fragile avec ceux qui le sont aussi. Et c’est ainsi que, au cœur de notre société blessée par l’individualisme, nous appelons ce Roi de Paix qui, par son Incarnation, vient rejoindre l’homme dans ses fragilités les plus profondes, afin de révéler sa dignité originelle. Le sentiment d’impuissance qui conduit beaucoup de personnes à envisager que, dans telle ou telle condition, nous pourrions admettre des solutions irrémédiables nous oblige à rechercher comment, au contraire, nous pouvons apaiser les souffrances et accompagner les personnes démunies.

A l’heure des résolutions de début d’année, peut-être pourrions nous décider que nous ne devons pas, par un silence coupable, laisser le mal se faire, mais invoquer au contraire le Roi de Paix pour que nous sachions, justement, nous rappeler qu’en prenant notre chair, Il a voulu que tout homme ait la vie, et qu’il l’ait en abondance ! (Cf Jn 10, 10)

Abbé Benoît De Roeck +