Ad Beatitudinem !
La grande mise en scène morbide d’Halloween aura tenté, cette année encore, d’estomper la magnificence de la solennité de la Toussaint pour une grande majorité de nos contemporains, convaincus qu’il est plus intéressant de jouer avec le thème de la mort que d’annoncer l’Espérance de la Vie. Pourtant, encore une fois, nous allons annoncer qu’une multitude de ceux qui nous ont précédés sur cette terre jouissent maintenant de la Béatitude céleste, et, par leur sainteté unie à celle du seul Saint, vivent cette communion parfaite à laquelle nous faisons ici-bas tant d’entorses par nos surdités, nos égoïsmes, nos certitudes horizontales…
Dans le même temps, nombreuses sont les personnes engagées dans les œuvres et institutions médico-sociales qui signalent un constat de plus en plus fréquent : le nombre de personnes sujettes au découragement, à la lassitude, au burn-out ou encore à la désespérance se multiplient. La réponse nécessaire et attendue n’est donc évidemment pas celle de la mort, mais devrait être celle de l’appel à la Vie !
Certes, les températures baissent et la lumière du jour faiblit, mais cela ne signifie pas que nous devions entrer en sommeil ; au contraire, nous, chrétiens, recevons un appel à la veille que nous vivrons plus profondément encore lorsque, entrés dans le temps de l’Avent, nous nous dirigerons vers la fête de la Nativité.
En ce mois de novembre, où le calendrier liturgique nous convie à regarder un peu mieux les fins dernières, nous avons de quoi fortifier notre Espérance, pour mieux l’annoncer.
En effet, la solennité de la Toussaint nous pousse à comprendre que nous sommes appelés à partager une Béatitude éternelle, celle qui est promise à ceux qui, sur terre, vivent en vue de cette vérité révélée.
La commémoration des fidèles défunts qui lui fait immédiatement suite nous conduit à prier pour les défunts afin, justement, qu’ils soient libérés de la mort éternelle ! Il ne s’agit pas d’une fête des morts, mais bien d’un jour où nous nous souvenons, dans notre prière, de ceux qui sont morts dans l’espérance de la Résurrection promise.
Parce que nous croyons en la Résurrection de la chair, nous savons que nous serons réunis dans une joie qui ne dépend pas de nous mais qui sera parfaite, parce que donnée par Dieu.
Pourtant, nous ne pouvons pas faire comme si nous n’avions pas conscience de l’importance de ce qui adviendra à l’heure de la mort : l’appel puissant à la Vie qui nous est lancé par le Seigneur se heurte à sa justice qui est à l’œuvre, tant au jour du Jugement particulier, qu’au jour du Jugement dernier ! C’est pourquoi, en ce mois de novembre, nous prions d’une manière toute particulière pour les âmes qui sont dans le Purgatoire en attendant la plénitude de la vision béatifique.
Combien désirons-nous, du plus profond de notre âme, que ces mots de l’Evangile selon saint Matthieu soient prononcés à notre intention et à l’intention de ceux qui nous sont chers :
« Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. » (Mt 25, 34)
En effet, tout au long de ce mois, nous avons l’opportunité de méditer sur les figures qui nous appellent à la Vie. Chaque figure de sainteté qui nous est présentée est un rappel de ce que nous sommes capables de vivre, c’est-à-dire de cette réponse que nous sommes en mesure d’apporter à l’Amour immense de Dieu dont nous sommes les bénéficiaires.
Sainte Elisabeth de la Trinité, que nous célèbrerons le 8 novembre dit que
« cela fait du bien de regarder à l’âme des saints, et puis de les suivre par la foi jusque dans le Ciel ; là ils sont tout lumineux de la lumière de Dieu, ils le contemplent en un éternel face à face ! ».
C’est sans doute l’un des plus beaux résumés de ce qu’est appelé à être notre pèlerinage terrestre. De même, l’évêque Martin de Tours, célébré le 11 novembre, nous enseigne que la charité vécue sur la terre nous conduit jusqu’à la Charité parfaite dans la Communion céleste.
Enfin, le 20 novembre, nous célèbrerons déjà la solennité du Christ Roi de l’Univers qui annonce la fin de l’année liturgique et viendra alors le moment de l’examen de conscience sur la manière dont nous avons vécu l’année écoulée. Avons-nous conscience de qui est le Roi de l’Univers ? Notre vie a-t-elle été aussi ajustée que le Seigneur pouvait le souhaiter à ses dons tout au long de l’année ? Avons-nous honoré le Seigneur comme il convenait, dans sa grandeur, ainsi que dans l’humilité de son visage reflété dans celui de nos frères ?
Finalement, ce mois de novembre nous permet de comprendre qu’en partant de l’appel à la Béatitude, entendu lors de la solennité de Toussaint, il nous suffit de laisser régner le Christ non seulement à l’extérieur de nous-mêmes, c’est-à-dire dans le monde mais, avant tout, en nous !
Lorsque nous demandons au Père, dans l’oraison dominicale, que son règne vienne, il s’agit bien de le laisser régner dans nos vies. Or, même si le Seigneur est Roi de l’Univers, sous bien des aspects, nous oublions (voire nous l’en empêchons) de le laisser régner pleinement, totalement, dans nos vies.
A la fin de ce mois nous commencerons une nouvelle année liturgique, voici donc une belle résolution que nous pouvons prendre : choisir de laisser le Seigneur régner totalement, afin qu’en cherchant cette Béatitude qu’Il nous promet et dans laquelle tant de saints nous ont précédés, nous puissions obtenir la Vie qu’aucune mort ne pourra jamais dominer.
Plus que jamais, pour faire régner la Vie, avançons ensemble vers la Béatitude !
Abbé Benoît De Roeck +