Un même Toi
« Nous habitons tous la même maison ».
Le thème de la campagne de Carême 2021 du CCFD, que notre Évêque ouvrira par la messe des Cendres en l’église Notre-Dame la Réal, ce thème fait référence à l’Encyclique du Pape François de 2015 : Laudato Si (LS), sous-titrée : « Sur la sauvegarde de la maison commune ».
Cette maison commune que nous habitons tous, « est aussi comme une sœur avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts »
(LS 1). C’est bien sûr « sœur notre mère la terre », comme le chantait saint François d’Assise.
L’intérêt porté à la maison commune à sauvegarder se double évidemment du souci pour ses habitants. « Tout est lié. Il faut donc une préoccupation pour l’environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains, et à un engagement constant pour les problèmes de la société » (LS 91).
Le thème du CCFD rejoint ainsi aussi celui de la dernière Encyclique du Saint-Père : Fratelli Tutti (FT) « sur la fraternité et l’amitié sociale ».
(A)[« Saint François, qui se sentait frère du soleil, de la mer et du vent, se savait encore davantage uni à ceux qui étaient de sa propre chair. Il a semé la paix partout… » (FT2).
La paix au sens plénier que lui donne la Bible (Shalom) : la paix avec Dieu, avec toute la création, avec tous les frères humains,… et avec soi-même.
C’est en cette plénitude de paix que consiste la Bonne Nouvelle que les disciples de Jésus ont à proclamer dans le monde entier, « à toute la création » précise saint Marc (Mc16,15) ; à la maison et à tout ceux qui l’habitent donc, car si les habitants retrouvent « un mode de vie au goût de l’Évangile » (FT 1), toute la maison s’en trouvera restaurée.](A)
(B)[Il y a là pour nous un véritable défi pour ce Carême.
Labellisés « Eglise verte » pour quelques mesures prises dans un sens écologique, il faut nous rappeler qu’il n’y a d’écologie chrétienne qu’intégrale, c’est-à-dire qui intègre la prise en compte de la fraternité humaine en même tant que du respect de toute autre créature.](B)
Le Pape François a choisi comme modèle évangélique de cette fraternité le Bon Samaritain (FT 56–86).
Cette parabole bien connue (Lc10,25–37) veut répondre à la question d’un légiste : «Qui est mon prochain ? », qui elle-même fait écho à la question de Dieu à Cain après le meurtre d’Abel : «Où est ton frère ? » (Gn 4,9). C’est à une culture de l’attention, du soin mutuel entre frères humains que nous appelle la parabole.
« Prenez soin de vous », nous dit-on en cette période de pandémie. « Et prenons soin des autres » ajoute l’Évangile, car sa règle d’or est : « tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux » (Mt 7,12).
Ainsi « l’amour brise les chaînes qui nous isolent et nous séparent en jetant des ponts ; un amour qui nous permet de construire une grande famille où nous pouvons tous nous sentir chez nous » (FT 62).
C’est cette grande famille qui devrait habiter la maison commune…
Mais « nous devons reconnaître la tentation, qui nous guette, de nous désintéresser des autres, surtout des plus faibles. Nous sommes habitués à regarder ailleurs, à passer outre » (FT 64).
Or, « notre existence à tous est profondément liée à celle des autres : la vie n’est pas un temps qui s’écoule , mais un temps de rencontre » (FT 66).
La culture de l’attention à l’autre est une culture de la rencontre.
Hélas !, « il devient de plus en plus évident que la paresse sociale et politique transforme de nombreuses parties de notre monde en chemin désolé, où les conflits internes et internationaux ainsi que le pillage des ressources créent beaucoup de marginalisés abandonnés au bord de la route. » (FT 71). C’est auprès d’eux que le CCFD voudrait nous faire bons Samaritains !
Car « nous sommes tous responsables du blessé qui est le peuple lui-même et tous les peuples de la terre. Prenons soin de la fragilité de chaque homme, de chaque femme, de chaque enfant et de chaque personne âgée, par cette attitude solidaire et attentive, l’attitude de proximité du bon Samaritain » (FT 79).
« Nous ne devons pas tout attendre de nos gouvernants. Nous disposons d’un espace de coresponsabilité pour pouvoir commencer et générer de nouveaux processus et transformations. Soyons parties prenantes de la réhabilitation et de l’aide aux sociétés blessées. Aujourd’hui, nous nous trouvons face à la grande opportunité de montrer que, par essence, nous sommes frères, l’opportunité d’être d’autres bons samaritains qui prennent sur eux-mêmes la douleur des échecs, au lieu d’accentuer les haines et les ressentiments » (FT 77).
Cette parabole est «une interpellation puissante qui s’oppose à toute manipulation idéologique, afin que nous puissions élargir notre cercle pour donner à notre capacité d’aimer une dimension universelle capable de surmonter tous les préjugés, toutes les barrières historiques ou culturelles, tous les intérêts mesquins» (FT 83).
Oui, nous habitons tous la même maison, qui a pour toit le même Ciel où se trouve le même Père qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45).
C’est Lui qui fonde l’humaine fraternité et m’appelle à me montrer le prochain de tout homme où et quel qu’il soit.
Dire à tout homme, dans notre maison commune, un même « Toi » fraternel, c’est bien me faire son prochain.
Saint Carême !
Père Jean-Paul Soulet