77 fois … un éditorial !
En faisant se jeter les Pyrénées dans la Méditerranée sur notre Côte Vermeille, le Bon Dieu a fait que monts et mer veillent à l’attrait touristique de notre département.
Mer et monts sont aussi des lieux majeurs du paysage biblique.
La montagne, plus près du ciel, c’est le lieu de la rencontre avec Dieu. Pour le prophète Elie par exemple (1R 19,9–14), qui va y rencontrer Dieu non pas dans les éléments déchaînés mais dans la brise légère.
La mer, qui recouvre des profondeurs ténébreuses, à l’opposé du ciel, c’est le lieu inquiétant de la tempête et du naufrage. Les disciples se sont souvent embarqués sur la mer de Galilée et ils ont affronté les forts coups de vent dont elle est familière. Jésus y a marché sur cette mer et y a entraîné Pierre (Mt 14,22–33).
Sur mer et en montagne, une voix s’est fait entendre, pour Pierre comme pour Elie :
- au prophète Elie : « SORS dans la montagne et tiens-toi devant le Seigneur, car Il va passer »
- à l’apôtre Pierre : « VIENS ! » lui dit Jésus, en réponse à sa propre demande de rejoindre Jésus sur l’eau
SORS, VIENS ! Deux impératifs qui appellent la foi.
La foi d’Elie est en éveil ; elle ne se laisse pas abuser par l’ouragan qui fait grand bruit ni par le tremblement de terre qui gronde et rugit, ni par le feu qui crépite et éblouit. Mais elle discerne Dieu dans le frémissement bienfaisant d’une légère brise.
La foi de Pierre est en sommeil ; il a ce qu’il avait demandé : il est sur l’eau comme Jésus, avec Jésus. Mais il ne voit que le vent qui parle plus fort que l’appel de Jésus, et il sombre dans la peur. Mais Jésus lui tend la main.
La brise légère de la montagne n’a pas surpris la foi d’Elie en éveil. Le vent de mer a pris en défaut la foi de Pierre en sommeil. Mais il se ressaisit en appelant Jésus comme son Sauveur, en se laissant saisir par Lui.
Mer et montagne : est-ce que ce ne sont pas aussi des lieux majeurs de notre paysage intérieur ?
N’y a-t-il pas en nous des hauteurs et des profondeurs, des sommets et des bas-fonds, des proximités avec le Ciel et des oppositions avec le Ciel ?
N’y a-t-il pas dans nos vies des temps de rencontre avec Dieu et des temps où nous nous défilons, où nous nous défions de Lui, où nous le défions, où nous le provoquons, où nous combattons avec Lui, de temps d’épreuve ? N’y a-t-il pas dans notre vie chrétienne le temps d’Elie et le temps de Pierre ?
Mais en chacun de ces temps, que nous soyons sur un sommet ou au creux de la vague, une voix, Sa voix, se fait toujours entendre : « SORS…VIENS ! »
Il y a toujours un appel impératif pour notre foi, qu’elle soit en éveil comme celle d’ Elie, qu’elle soit en sommeil comme celle de Pierre.
« SORS…VIENS ! » Dans tous les cas, c’est un appel à la Rencontre, apaisée ou tumultueuse.
SORS et comme Elie reconnais ton Dieu dans le silence de sa Présence.
Le silence n’est pas un produit de l’époque contemporaine, y compris dans nos églises, et il ne faut donc pas s’étonner que nos contemporains aient du mal à reconnaître Dieu.
On s’éclate avec beaucoup de bruit auquel on donne parfois le nom de musique, on se distrait en de multiples bavardages dont on dit qu’ils sont communication. « Nous accumulons les friends et les followers sans rencontrer un autre », écrit le philosophe Byung-Chul-Han dans un livre que vous trouverez à la bibliothèque et que je vous conseille pour vos vacances ! La Fin des choses.
Mais Dieu habite le silence: « Il ne sait pas ce qu’il perd, celui qui ne sait pas écouter le silence » (M Zundel), Il perd Dieu, tout simplement !
SORS de ton bruit et entre dans le silence pour trouver la présence de Dieu.
SORS du bruit médiatique autour des événements même les plus graves, fais silence, réfléchis et prie et tu comprendras autrement le sens des événements et la présence de Dieu au cœur de l’histoire humaine.
SORS du tapage des sentiments que t’inspirent telle ou telle personne, fais silence, réfléchis et prie et tu comprendras comment Dieu la voit, mieux que toi, et comment Dieu est présent et agissant en elle et pour elle.
« SORS et VIENS ! »
VIENS et comme Pierre laisse- toi saisir par le Christ pour affronter les vents contraires.
Ces vents contraires ce sont peut-être ceux du doute, du découragement, de la tentation d’abandonner devant ce que nous avons à vivre, ce qui nous est demandé, ce qui advient dans nos vies personnelles, dans notre vie en société ou en Eglise.
Nous sommes parfois embarqués dans de telles galères, soumis à de tels vents et courants contraires, conscients des abîmes de nos limites ou incapacités, tanguant sur les eaux troubles ou agitées de nos personnalités, que nous recevons de plein fouet ces vents contraires du doute, du découragement, de la tentation d’abandon. « Je n’y arriverai jamais ! »
« VIENS ! » L’appel du Christ nous encourage et doit réveiller notre foi. Il est toujours là, devant, en avant, Lui le seul maître du bateau, des éléments et de la navigation. C’est le moment de ne plus regarder à soi, à toutes les bonnes raisons et les raisonnements dans lesquels nous pouvons nous perdre et nous noyer, de ne plus regarder que vers Lui, sa main tendue, son appel ferme et engageant : « VIENS ! »
C’est le moment de ressaisir toutes nos capacités de foi pour voir plus loin que nous-mêmes, que l’immédiat, que l’évident, pour voir en Jésus le Fils de Dieu, celui-là seul qui, au travers des tempêtes et des coups de vent nous conduit au bon port.
C’est dans ces sentiments de faiblesse et de confiance que j’accueille l’appel du Christ au travers de celui de notre Evêque, à rejoindre un autre port d’attache.
Au moment de vous quitter, je ne peux que demander au Seigneur de vous bénir et de bénir la route que vous prendrez sous la conduite de votre nouveau pasteur.
Père Jean-Paul Soulet +