un phare dans la ville

Histoire du Carillon

Depuis 143 ans, le carillon de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste,
rythme la vie des Perpignanais avec Antoinette, Charlotte, Marie, Julie et les autres, quarante-six cloches, un Bourdon en ré et un clavier breveté !

Du rêve … au désaccord absolu !

Après la guerre de 1870 et après que de nombreux clochers roussillonnais aient offert leur voix d’airain au creuset pour la fabrication de canons, l’abbé Metge et le Conseil de fabrique de la cathédrale de Perpignan projettent la création d’un carillon de 15 cloches couvrant deux octaves.

Ce rêve pourra se réaliser grâce à la contribution de généreux donateurs, qui deviendront parrains et marraines des 15 cloches. Ainsi, après avoir réuni des fonds, la commande est passée auprès du fondeur marseillais Eugène Baudoin.

Après la fonte et l’acheminement sur Perpignan, les 15 demoiselles furent exposées dans la nef de la cathédrale, vêtues de robes blanches en dentelle avant leur bénédiction par Mgr Ramadié le dimanche 15 novembre 1874.

Le compte rendu de cette cérémonie exceptionnelle fut consigné dans la Semaine Religieuse des 22 et 29 novembre suivants.

« On nous affirme que c’est un des plus beaux carillons de France et peut-être de tous le plus complet » peut-on y lire.

Le chanoine titulaire, l’abbé Boher, prononça un long et beau discours en guise de prône. Puis vint le temps de son installation et des désillusions. Lors de la première grande volée force fût de constater que l’instrument était désaccordé. Des experts furent dépêchés et Baudoin fut tenu de rectifier les cloches mais cette action aggrava les problèmes.

Le 26 mars 1877, le fondeur était obligé de constater que le carillon était irrécupérable et véritablement faux. Un procès eut donc lieu opposant le prestataire et les mandataires. Le Conseil de fabrique obtint gain de cause et Baudoin du démonter l’ensemble et dédommager la Fabrique.

De Baudouin à Bollée

L’an 1878, le fondeur Bollée fut donc désigné pour fondre le nouveau carillon que nous connaissons aujourd’hui.

Quand aux cloches de Baudoin, elles furent revendues aux paroisses de diocèse qui voulurent amplifier leur sonnerie. La Semaine Religieuse du 24 août 1878 se fait l’écho publicitaire

« A vendre à de bonnes conditions, pour défaut d’accord entre elles, les 15 cloches formant le carillon de la cathédrale. Pour faciliter l’acquisition des cloches aux églises du diocèse, le Conseil de Fabrique, dans sa dernière réunion, à fixé leur prix à 2,70F du poids du bronze, accessoires compris. S’adresser au trésorier de la Fabrique ».

L’ensemble pesait 14.000 kilogrammes, la plus grosse cloche mesurait 1 mètre 50 de diamètre et 1 mètre 30 de haut et la plus petite 48 centimètres de diamètre et 40 centimètres de haut.

Antoinette, Charlotte, Marie, Julie et les autres

Ainsi aujourd’hui, en observant les clochers du département on peut encore apercevoir et même entendre certaines cloches de ce carillon. La visite des édifices pour l’inventaire campanaire nous permettra d’en retrouver certaines (Blanche à Las Illas, Savina à Thuir, Marie à Sansa, Jeanne à Pollestres, Adèle à la Cabanasse, Charlotte à Villeneuve-de-la Rivière, Mélanie à Saleilles et Amélie à Prats-Balaguer). Reste encore à retrouver Antoinette, Charlotte, Geneviève, Françoise, Marie, Berthe et Julie.

Quarante-six cloches, un Bourdon en ré et un clavier breveté

Ayant cause gagnée suite au jugement de la Cour d’appel de Montpellier, loin de se décourager, l’archiprêtre Jean-François Metge entreprit des négociations avec la Fonderie Ernest Bollée ; doter sa cathédrale d’un instrument à la hauteur de l’édifice, pour la convocation des chrétiens à la prière et l’accompagnement des grandes étapes de la vie humaine, demeurant toujours son objectif.

Le devis du 7 juin 1877 arrêta définitivement le marché entre la Fonderie Ernest Bollée et la Fabrique de la cathédrale. Seize cloches devaient couvrir deux octaves, avec bourdon en ré de 1.757 kilogrammes, pour un poids total approximatif de 6.408 kilogrammes de bronze. Amédée Bollée, qui souhaitait présenter un carillon à l’Exposition universelle de Paris de 1878, pris toutes les mesures nécessaires pour le compléter de deux octaves dans l’aigu ainsi que d’un clavier récemment breveté.

Expertisé par Aristide Cavaillé-Coll

L’Exposition universelle de Paris de 1878 eut un énorme succès. Elle réunit 52.835 exposants, occupa 800.000 m² et reçut 16.100.000 visiteurs. Quant au carillon, installé sur l’esplanade du Champs-de-Mars, il eut toujours du succès, quelques milliers de personnes venant l’écouter en de remarquables concerts tous les jours à 14 heures et à 16 heures. La presse nationale se fit l’écho de cet instrument par des articles illustrés. Pendant l’Exposition universelle, Aristide Cavaillé-Coll, le plus réputé des facteurs d’orgues du XIXèmesiècle, vint expertiser l’instrument à la demande de l’archiprêtre Jean-François Metge. A la lecture des pièces d’archives, il apparaît que le carillon prendra place à Perpignan dans son intégralité, avec ses quarante-six cloches et son clavier breveté.

Entre la fin de l’Exposition universelle et l’installation définitive de l’instrument dans le beffroi de l’église du Vieux Saint-Jean vont s’écouler six longues années qui verront de nombreuses péripéties, dont deux très significatives : réunir la somme nécessaire pour acquérir la totalité des cloches et achever la couverture du clocher afin que le futur carillon soit à l’abri des intempéries.

Ainsi, les quarante-six cloches du carillon, qui entre temps ont été bénites dans la nef de la cathédrale par Monseigneur Emile Caraguel le dimanche 2 mai 1880 après les Vêpres, prendront définitivement place avec un clavier traditionnel, dit coups de poings, à l’automne 1885.

De cette longue période, il faut reconnaître à l’archiprêtre Jean-François Metge beaucoup de persévérance puisqu’il aura fallu douze longues années pour acquérir un carillon digne de sa cathédrale.

Électrification et restauration

Jusqu’à l’électrification de 1956, tous les jours, le matin, à midi et le soir, les sacristains successifs s’installeront devant le clavier manuel pour carillonner la prière de l’angélus. Quant aux quatre sonneurs, ils feront retentir la grande volée pour les sonneries cultuelles, festives ou commémoratives.

Successivement, en 1996 et en 2010, à l’initiative et sur financements de la Conservation régionale des Monuments historiques du Languedoc-Roussillon, le carillon a été restauré par l’entreprise France carillons d’Hérépian (Hérault). Depuis, les carillonneurs, nommés par ordonnances épiscopales, sont chargés de mettre en valeur cet instrument, tant sur le plan cultuel que culturel.